Un cours d’histoire autrement


TEMOIGNAGE DE M. SAENGER, « malgré-nous », auprès d’élèves de Terminale

Lundi 9 octobre 2017, René SAENGER, incorporé de force dans l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, est venu au lycée Jean-Monnet de Strasbourg, faire le récit de sa guerre. Il était accompagné de Mme Hasselbacher  et de M. Greiner qui président des associations organisatrices de ce genre de rencontres.

Le témoignage de M. Saenger contribue très efficacement au travail de mémoire et permet aux élèves une approche différente des faits historiques. Cette après-midi de dialogue inter générationnel était chargée d’une émotion intense.

Les élèves de de TES2, TS3 et de Terminale abibac ont été littéralement saisis par le témoignage de M. Saenger. En voici quelques grandes lignes.

Monsieur René SAENGER est né le 20 février 1924 (il a 93 ans) à BUHL dans la vallée de Guebwiller (Ht.Rhin). Il est le 3ème enfant d’une famille de 6. A 14 ans René devient apprenti bûcheron. Le 22 juin 1940, la France signe l’armistice. Les uniformes allemands remplacent les uniformes français dans les rues.

« A 16 ans je ne comprenais pas grand-chose et surtout je n’imaginais pas qu’ensuite je verrai d’autres uniformes, autrement plus redoutables pendant plus de 4 ans »

En juillet 1940 les expulsions débutent (fonctionnaires français, familles juives,….) les premières familles allemandes arrivent et s’installent dans les foyers désertés par les expulsés. René s’appelle maintenant Renatus, il est informé qu’il doit rejoindre la jeunesse hitlérienne. Interdiction de porter le béret (qualifié de bonnet pour simples d’esprit). Toutes les contraintes de la germanisation forcée s’abattent sur la population.

Le service du travail obligatoire (RAD) est décrété pour tous les jeunes de 17 ans. Cherchant à se soustraire à cette obligation, René met au point un plan d’évasion vers la Suisse avec un copain. Ils sont arrêtés et transférés dans les locaux de la Gestapo. René est conduit à la prison de Mulhouse puis, le 20 mai 1942, au camp de sûreté de Schirmeck. Le 4 juillet 1942 il réussit à s’évader. Une longue marche commence pour rejoindre Guebwiller. Mais une maladie très grave l’oblige à chercher des soins à l’hôpital de Guebwiller où il sera arrêté par la Gestapo et reconduit à Schirmeck. En automne 1942, il est envoyé par le RAD en Bohême- Moravie avant d’être incorporé de force dans la Wehrmacht en mai 1943, sur le front russe, entre Crimée et Caucase.

Il retrouve un alsacien qui se blesse volontairement pour être rapatrié. René essaie également de se tirer une balle dans le pied mais la balle passe entre les orteils. Affecté dans un autre régiment, il se lie d’amitié avec un soldat d’origine silésienne et reprend la direction du front en Biélorussie. Passant par Varsovie, ils décident de s’évader ensemble. Echec de la traversée de la Vistule à la nage. Traversée du pont sans armes et en vêtements civils. A l’autre bout des S.S. Ils décrètent que René et son compagnon sont des partisans et qu’ils doivent être fusillés Arrivent des camions de militaires de la Wehrmacht qui ordonnent aux S.S. de leur céder le passage. René en profite pour s’adresser au gradé et lui expliquer qu’il est un déserteur de la Wehrmacht. Ce dernier demande aux SS de lui livrer les deux prisonniers du fait que ce sont des déserteurs de l’armée allemande. Il existait un conflit d’autorité entre l’armée et les SS et cela a porté chance aux fuyards qui passeront en Conseil de guerre.

L’avocat militaire de René vient de Friburg et essaie de le tirer d’affaire : verdict 15 ans de bagne à la prison centrale de Wartenburg (Prusse orientale). René déclare être apprenti tailleur, car annoncer qu’il est bûcheron reviendrait à travailler dans le froid. Fin janvier 1944, l’armée rouge avance et le bagne est évacué. Les bagnards condamnés à des lourdes peines et les déserteurs sont enchaînés quatre par quatre. La colonne avance péniblement dans la neige. De nombreux bagnards affaiblis sont abattus. René est détaché par un surveillant pour pousser un vélo dont une sacoche contient un casse-croûte. Au crépuscule la colonne s’arrête près de baraquements. René craint d’être abattu si le gardien découvre que le casse-croûte a été mangé. Dans la cohue générale, il prend la fuite et trouve refuge chez une famille d’agriculteurs.

Lorsque l’armée soviétique  arrive, ses hôtes ont fui. René affirme être un prisonnier de guerre français travaillant dans une ferme allemande et le « prouve » en chantant la Marseillaise debout sur une table. Les Soviétiques le transfèrent dans un camp de prisonniers français, puis il embarque pour Marseille en mars 1945.

Monsieur R. WALTHER, professeur d’Histoire-Géographie